Amour et humour, deux mots de Frimousse
Ce matin-là, lorsque j’ai sonné à la porte d’un petit pavillon de l’avenue de la Marne, c’est un minuscule chien crème qui m’a accueillie en sautillant.
Puis Sophie Corvaisier qui m’a serré la main et nous sommes très vite descendues au sous-sol. « Voilà les éditions Frimousse ! » m’a-t-elle dit en souriant.
Les éditions Frimousse : une maison d’édition pour enfants fondée en 1996 par Sophie alors qu’elle n’avait que 25 ans, et chapeautée encore à l’époque par la maison d’édition publicitaire que tenait son père. L’activité se concentre peu à peu sur la production Jeunesse. 10 ans plus tard, Frimousse est aujourd’hui forte d’un joli catalogue de plus de 60 titres.
Montbouge : Pourquoi Montrouge ?
Sophie Corvaisier : Je connais Montrouge depuis que je suis toute petite : mes grands-parents habitaient ici, dans cette maison. Ils se sont connus à Montrouge, dans l’imprimerie où ils travaillaient tous les deux : la fameuse maison Dræger, de grande renommée à l’époque. Puis leur maison est devenue la mienne, au deux sens du terme : mon domicile et ma maison d’édition !
Mb : Comment avez-vous choisi de créer une maison d’édition ?
S.C. : Nous avons une culture familiale de l’édition. A la suite de mes études de graphisme à l’école Estienne, j’ai eu envie de fonder ma propre maison d’édition. C’est ainsi que tout en travaillant pour la société publicitaire de mon père, j’ai créé la marque Frimousse et publié mes premiers livres pour enfants. Mon mari, Hubert Corvaisier, m’a accompagnée pendant les quatre premières années, s’occupant plus particulièrement de la diffusion de nos livres.
Mb : Quelle était votre idée en créant cette maison d’édition ? Que souhaitiez-vous dire à travers vos livres ?
S.C. : Enfant, j’ai eu du mal à entrer dans la lecture. Je n’avais pas trouvé les livres qui me convenaient. En créant Frimousse, je souhaitais présenter aux enfants des petites histoires courtes qui donnent envie de lire, qui ne soient ni des albums, ni des petits romans, pas forcément adaptés au niveau du très jeune lecteur. C’est resté notre terrain de prédilection : proposer des livres aux tout premiers lecteurs, pour leur permettre de relire seuls ces livres découverts et lus avec leurs parents.
Notre autre souhait est de proposer des livres où l’humour est toujours présent : le livre doit amuser l’enfant, sans être forcément un terrain d’apprentissage. L’important pour nous est d’établir un échange entre l’enfant et l’adulte à travers la lecture.
Et c’est vraiment le livre qui m’intéresse. Avec ses caractéristiques complètes : une couverture, des pages en papier, mat ou brillant, du moment qu’il est bien solide ! Car il faut que l’enfant puisse le toucher, le manipuler, tout en le respectant. C’est pourquoi pour le moment nous ne faisons pas de livres de bain, de livres en tissu ou de livres doudou.
Nous sommes toujours très attentifs au graphisme, à l’illustration, et nous varions les formats en fonction de l’âge des lecteurs et du projet qui nous arrive.
Mb : L’âge de vos lecteurs... Justement, parlez-nous un peu de vos collections et de vos jeunes lecteurs...
S.C. : La collection la P’tite étincelle est faite pour les tout-petits.
C’est Edouard Manceau qui l’a créée. Elle propose des petites histoires amusantes pour « expliquer » de manière décalée et poétique l’origine de l’allure actuelle des animaux : comment le lion a-t-il eu une crinière, d’où viennent les taches de la girafe, pourquoi la baleine souffle-t-elle de l’eau ? La collection Zoé Kézako, écrite et illustrée par Véronique Saüquères, a pour héroïne Zoé, une petite fille qui n’a pas sa langue dans sa poche. Ces livres qui reposent sur des dialogues très enlevés et dynamiques sont faits pour de tout débutants lecteurs.
Certains livres de Zoé contiennent 1 ou 2 histoires pour satisfaire les enfants les plus gourmands de lecture, et se déclinent alors sur un thème commun : la jalousie par exemple. La collection Le coq à l’âne, de Corinne Dreyfuss, avec La poule, Le mouton, L’âne, propose une histoire accompagnée d’illustrations au pochoir. Ces histoires se lisent avec l’adulte et font découvrir, en passant, avec drôlerie et douceur, des petits renseignements sur les animaux...
Nous publions aussi des livres hors collection qui sont, à chaque fois, des coups de cœur. Les types d’histoires peuvent être très différents, tout comme les formats, les types de papiers... Ainsi nous avons réalisé l’album grand format Claudine Chiffon, qui raconte l’histoire d’une jeune fille jalouse de la tour Eiffel. Elles échangent leur rôle, temporairement ! Il nous arrive aussi de proposer des livres un peu plus pédagogiques comme le livre Roméo le chien, de la plasticienne Carole Chaix, où les mots s’enfilent comme les perles d’un collier, page après page, pour former des phrases de plus en plus longues.
Ou ce livre de Nelly Charbonneaux, un abécédaire très fantaisiste où l’enfant va jouer avec les mots...
Mb : Ludique toujours donc...
S.C. : Oui ! Mais souvent, dans nos livres, cette démarche qui paraît complètement décalée s’avère être un tremplin pour parler de sujets plus concrets : la différence, la jalousie, l’identité...
Mb : Les livres que vous publiez sont-ils des commandes ou des créations ?
S.C. : Ce sont essentiellement des créations. Le plus souvent nous publions des projets d’auteur illustrateur. Car c’est le projet complet qui nous intéresse : il nous paraît essentiel que le texte et l’illustration soient complémentaires et suivent le même objectif. Ce qui me plaît c’est que l’auteur et l’illustrateur arrivent à exprimer ce qu’ils ont à dire tous les deux. Il faut une entente visuelle. Cette fusion est fondamentale pour nous.
En temps qu’éditrice, j’interviendrai pour les aider à atteindre au mieux cet objectif.
Il faut que le projet corresponde à un thème qui m’intéresse vraiment.
Je me demande toujours, lorsque je reçois un projet : est-ce que j’aurais du plaisir à le lire à mes propres enfants ? Si oui, il est bien possible que Frimousse le publie !
Mb : Les illustrateurs avec lesquels vous travaillez font-ils plutôt des illustrations « traditionnelles » ou par ordinateur ?
S.C. : En général, ces illustrateurs travaillent à la peinture, l’acrylique ou la gouache, au pochoir... plus rarement avec la palette graphique.
Mb : Combien de livres publiez-vous par an ?
S.C. : En ce moment, par an, nous publions 2 ou 3 coups de cœur et 2 livres de la collection de La P’tite étincelle. Sans compter les 2 ou 3 réimpressions régulières.
Mb : Parlez-moi de vos rencontres avec vos auteurs... Avec Edouard Manceau par exemple.
S.C. : Un jour, en 1996, Edouard nous a apporté le dessin d’un petit personnage : « un amoureux », qui m’a tout de suite emballé.
Quelques temps après, il nous a présenté un texte et des illustrations qu’il appelait : Oh, les amoureux. C’était son premier projet complet. Nous l’avons publié très vite. Et il a rencontré un grand succès. Ce livre est acheté aussi bien pour les enfants que pour les adultes, comme cadeau de la Saint-Valentin, ou de mariage par exemple ! Puis il a créé un second titre sur les Amoureux : Le petit nid. Edouard nous a ensuite proposé le premier livre de la P’tite étincelle. Aujourd’hui nous sortons le 10ième titre de cette collection, et un éditeur italien vient de publier Le pingouin, sous le titre El pingouin !
Mb : Vous avez aussi publié un livre très original d’Edouard Manceau...
S.C. : Oui, "Pour toi mon trésor" est l’histoire d’un petit garçon qui cherche la meilleure façon de dire « Je t’aime » à ceux qu’il aime. La solution qu’il trouve est particulièrement émouvante...
Mb : L’amour encore...
S.C. : C’est un de nos piliers !
Mb : Racontez-moi l’histoire de votre rencontre avec Anne-Laure Witschger et son petit chaperon rouge ...
S.C. : Le premier livre que les éditions Frimousse ont publié était... de moi ! Le second a été celui d’Anne-Laure. Elle avait une vingtaine d’années quand elle est venue nous voir. Elle s’est assise en face de moi et a ouvert une valise à chapeaux : dedans, une dizaine de projets complètement finalisés. Je suis tombée amoureuse de ces livres. Si j’avais pu, j’aurais tout publié d’un coup ! Nous avons commencé par un de ses projets pour les tout-petits avec le personnage vraiment drôle du Petit chaperon rouge, perdu dans les couleurs (Le petit chaperon rouge et les couleurs). Ensuite il y a eu Le petit chaperon rouge et les formes, La célèbre famille du Petit chaperon rouge... Ce sont les premiers livres de Frimousse, ... et d’Anne Laure. Et ils ont eux aussi très bien marché !
Mb : Edouard Manceau, Anne-Laure Witschger... de bien belles rencontres pour commencer Frimousse !
S.C. : Oui. Puis il y a eu Véronique Saüquère, avec son personnage très vivant et très fort de Zoé Kézako tout de suite imaginé comme l’héroïne d’une série ; Carole Chaix avec ses figures en volumes, créatives et rigolotes de Roméo le chien ou Mademoiselle B ; Aude Maurel l’auteure de Claudine Chiffon et de Docteur Blabla ; Corinne Dreyfuss avec la collection Du coq à l’âne, et bien d’autres encore...
En tout nous publions une dizaine d’auteurs-illustrateurs, avec lesquels nous travaillons régulièrement, et dont chaque volume est imprimé à 3000 exemplaires ! Et tous les jours d’autres projets d’auteurs-illustrateurs nous arrivent par courrier ou par mail, ce que nous préférons.
Mb : Au fait, pourquoi « Frimousse » ?
S.C. : Tout naturellement : c’est le petit nom qu’on donne au visage des enfants. Nous l’avons d’abord attribué à la collection du premier livre que nous avons publié, puis c’est devenu le nom de notre maison d’édition, notre marque de fabrique. Nous avons gardé comme logo, le petit dessin que j’avais dessiné pour la couverture de notre premier livre.
Mb : Et aujourd’hui, sur quel projet travaillez-vous ?
S.C. : Nous venons d’avoir un nouveau coup de cœur pour le manuscrit d’une illustratrice américaine et d’un auteur français, avec lesquels je pense que nous ferons d’autres livres encore. C’est une histoire un peu triste, plus grave en tout cas, qui nous parle de la différence. C’est l’histoire d’une famille qui attend un petit garçon. Quand il arrive, tout le monde est très heureux. Mais il n’arrête pas de pleurer. Qu’a-t-il donc ? Sa sœur ne comprend pas. Elle se sent seule : ses parents s’occupent tout le temps de lui. Il part à l’hôpital et revient régulièrement. « Ce petit est différent. Nous l’aimons fort et nous t’aimons toi aussi » la rassurent-ils. Alors, elle commence à jouer avec lui, à le gronder aussi, à l’embrasser. A lui faire partager des tas de choses. A l’aimer.
Mb : L’amour toujours...
S.C. : Toujours...
Pour en savoir plus...
le site des éditions Frimousse : www.frimousse.fr ;
le site de l’édition jeunesse : www.ricochet-jeunes.org, en entrant le nom de l’éditeur, vous trouverez pleins d’infos sur les livres publiés par Frimousse.
En pratique, Frimousse c’est... une maison d’édition située avenue de la Marne, au numéro 29.
Des livres présents partout, du plus petit libraire au plus grand, grâce au diffuseur Volumen, après plusieurs années de démarchage-maison, livres sous le bras !