Une semaine de 2 jours. Durab ! Durab !
Montrouge se met aux couleurs du développement durable. A l’occasion de la semaine nationale qui lui a été consacrée du 29 mai au 4 juin 2006 par le Ministère de l’écologie et du développement durable sous le titre évocateur « Vivons ensemble autrement ». Traduction montrougienne : une semaine de 2 jours (les 1er et 2 juin) sous le nom de code « Les recyclades ». Avec en guise de slogan altermondialiste : « Visitez le village éco-citoyen ! » Programmer deux dates en pleine semaine, c’est déjà trier sur le volet les exposants et... les visiteurs. Exit donc la majorité de ceux qui travaillent. Un tri sélectif qui bénéficiera en grande partie à nos enfants. Notre génération future.
Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais...
Pour une fois, le cadre environnemental fut choisi en circonstance : le square Renaudel. Des stands, de blancs vêtus, accueillaient différents partenaires pour exposer la « Maison sans gaspillage », un « Marché bio et équitable », des vélos à assistance électrique, des conseils en matière d’énergies renouvelables, des animations autour du recyclage d’objets... La communication pédagogique visait à responsabiliser le citoyen qui sommeille en nous sur les enjeux que représentent nos gestes quotidiens et l’impact qu’ils ont sur l’environnement et les changements climatiques. Dont acte.
Si le discours est positif, il est à relativiser par rapport aux actions de notre chère collectivité locale. Certes, une chargé de mission « Agenda 21 » [1] vient d’être recrutée, certes le tri sélectif existe sur Montrouge mais notre ville ne se distingue pas particulièrement dans le domaine de l’écologie urbaine.
Montbouge s’était amusé de l’ « Ecologie municipale... sélective » ou de sa politique « volontariste » en matière de circulation douce [2]. Notre perplexité reste intacte face à la gestion de l’eau et au développement durable des nuisances sonores générées par le système de nettoyage de notre ville [3]. Autre exemple : la consommation éthique [4]. En parler, c’est bien ; la pratiquer, c’est mieux. Le cas de la Caisse des écoles de Montrouge est un cas... d’école [5] pour les cadeaux de Noël. On a poliment écouté, sans rien faire [6]. Il n’existe pas de piste cyclable à Montrouge et l’évolution du Plan de développement urbain (PDU) reste timorée en matière de circulation douce [7]. Aucune des ZAC créées, notamment la dernière en cours de construction (la ZAC de la Porte de Montrouge soit 22 000 m2) n’a fait l’objet d’un projet ambitieux en matière d’écoZAC ou de ZAC écologique [8]. Pourquoi ne pas avoir mis à la place de ces jardins d’angle fermés [9], ouverts, aux valeurs de solidarité, de partage et de convivialité ? Notre Mairie mettrait-elle, a disposition une salle, comme à Bagneux, si une AMAP [10] montrougienne voyait le jour ? Du local individuel au global communal, il y a comme une relation asymétrique. A l’heure où le Conseil général des Hauts-de-Seine compte décerner un « prix des villes durables », la Mairie de Montrouge a intérêt à donner un coup de chauffe climatique à sa politique de développement si elle veut être durable. A moins de se cantonner au traditionnel concours des villes fleuries avec ses « deux fleurs » que de nombreuses communes nous jalousent.
De l’éco-geste à l’égo-geste
L’affiche de la manifestation en disait long sur l’image mentale de ces 2 journées : une opération de communication que l’on véhicule sur le territoire tel un badge (ou pin’s pour les puristes) porté sur sa chemise grise sans pli avec pour leitmotiv un « moi je » individualiste : « je trie mes emballages », « j’utilise un panier pour faire mes courses », « je ne jette rien dans la nature ».
L’objet n’est pas de critiquer la responsabilisation écologique individuelle du discours de sensibilisation. Bien au contraire, il est nécessaire. Mais pas suffisant car il se limite à un apprentissage dit d’éco-gestes, à une approche behavioriste et comportementaliste, à une pédagogie du réflexe sans éducation profonde à l’environnement. Pire à une logique culpabilisante.
Comme le fait remarquer Florence Couraud, directrice du Centre National d’Information Indépendante sur les Déchets (CNIID), « la pédagogie de l’éco-geste est sans effet, elle est un cache-misère, un pis aller pour donner bonne conscience, sans pour autant inciter à changer réellement nos pratiques. » [11] Et Thierry Sallantin, ethnologue à l’université Paris 7, d’enffoncer le clou : « Les hommes d’affaires ont voulu désamorcer la bombe qu’est la prise de conscience écologique en s’appropriant le concept de « sustainable development ». Ils ont volé l’environnement aux écologistes pour peindre en vert leurs entreprises polluantes. »
Car à y réfléchir de plus près, l’enjeu majeur ne concerne-t-il pas le changement radical de nos modes de production et de consommation [12] ? Une redistribution des richesses entre pays pauvres et riches ?...
Un discours subversif qui heurte le flanc libéral du développement durable [13]. Une prise de position politique absente de ces recyclades.
[1] « L’Agenda 21 local est un projet de développement durable, conçu à l’échelle d’un territoire. Ce projet vise à répondre aux besoins de toute la population, avec le souci de préserver l’environnement, d’assurer l’accès de tous aux services essentiels, de développer des activités économiques soutenables. Impulsé par l’élu, il est élaboré et mis en œuvre en concertation avec les forces vives de la collectivité (collectivités, habitants, associations, entreprises, structures déconcentrés de l’Etat, réseaux de l’éducation et de la recherche...). L’Agenda 21 local est issu du Sommet de la Terre (Rio, 1992) et de son programme d’action pour le 21ème siècle, l’Agenda 21, pour lutter contre la dégradation de la planète, la pauvreté et les inégalités. » Extrait du « le site du Comité 21 ».
[2] Lire l’article « Mont(vélo)rouge ».
[3] Lire l’article « Ballet mécanique à Montrouge sur scène
».
[4] Pour plus d’information sur les achats publics éthiques, lire la page dédiée du Collectif de l’éthique sur l’étiquette : « Comment une collectivité peut-elle s’engager en faveur de la consommation éthique ? ».
[5] Un administrateur de la dite Caisse de Montrouge avait proposé au Conseil d’administration de cette institution (dont le Maire, le service pédagogique de la ville, l’adjointe au Maire déléguée à l’enseignement) d’effectuer des achats publics éthiques garant de droits sociaux et environnementaux.
[6] Lire l’article « La caisse ou l’avis ».
[7] Pour le constater, il suffit de comparer le chapitre déplacement du Plan d’occupation des sols (POS) de la ville datant de novembre 2002 et le diagnostic sur le plan de déplacement urbain de mars 2006. Aucune politique volontariste en matière de circulation douce n’apparaît en six ans d’évolution sur notre territoire.
[8] Une écoZAC est un aménagement exemplaire en matière d’environnement, de transports et d’énergie. Elle vise à réduire les impacts environnementaux de la construction (utilisation de matériaux sains, réduction des transports liés au chantier), à diminuer la consommation énergétique (isolation de qualité, recours aux énergies renouvelables), à gérer les eaux et déchets (récupération des eaux de pluies, compostage des déchets), à améliorer le cadre de vie dans une optique sociale et écologique (espace vert, jardin partagé, zone piétonne)... Pour en savoir plus, consultez le projet d’écoZAC de Rungis.
[9] Lire l’article d’Etienne « Au coin de la Villa Leblanc » des jardins partagés[[« Un jardin partagé est un projet monté par et pour des habitants du quartier sur un terrain en friche, avec l’aide de la mairie, et dont l’objectif varie selon les intentions des créateurs : lien social, lien entre les générations, développement culturel, éducation à l’environnement... » - extrait du « Futur jardin partagé des Thermopyles » lancé par l’association Urbanisme et Démocratie du 14ème.
[10] Une AMAP, acronyme d’association pour le maintien de l’agriculture paysanne est « un partenariat entre un groupe de consommateurs et une ferme locale, basé sur un système de distribution de « paniers » composés des produits de la ferme. C’est un contrat solidaire, basé sur un engagement financier des consommateurs, qui payent à l’avance une part de la production sur une période définie par le type de production et le lieu géographique. Ce système fonctionne donc sur le principe de la confiance et de la responsabilisation du consommateur » dixit la page que lui consacre Wikipédia.
Pour en savoir plus sur l’AMAP de Bagneux ou sur les AMAP en France, consultez leur site Internet.
[11] Extrait de Territoires - Mai 2006, page 10. La revue Territoires est éditée par l’Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale (Adels). L’Adels a consacré un cahier fort instructif intitulé « L’éducation à l’environnement menacée par le développement durable » - n°466 - Mars 2006 - 42 pages - 7€50.
[12] Certains vont même à prôner la décroissance.
[13] Voir l’article « Développement du rab ».