De Lausanne à Montrouge : un peu de l’Histoire de Montrouge.
vendredi 23 septembre 2011, par
Fin février 2011, je rencontrai, à Lausanne, un ami comédien, écrivain et très grand lecteur.
Une fois de plus il me parlait d’un livre qu’il lisait et relisait en vue d’une lecture publique :
La voix dans le débarras, de Raymond Federman. Ce n’était pas la première fois qu’il insistait pour me faire découvrir un texte.
Juillet 1942 ; la rafle du Vél d’Hiv’. Une famille habite au 3e étage d’un immeuble. “On” vient les chercher. La mère repousse son fils (13 ans) dans un débarras, met un doigt sur sa bouche – chut – et referme la porte. L’enfant, enfermé, entend tout ce qui se passe… Son père, sa mère et ses deux sœurs qui descendent l’escalier. Ils mourront en camp…
Il y a peu, le téléphone sonne un soir, chez moi, rue Louis Rolland. C’était cet ami écrivain, Jacques Roman.
Savez-vous que Raymond Federman, qui a écrit ce livre que je vais lire, La voix dans le débarras, a habité au bout de votre rue ? me dit-il ! Au nº 4. Je vois. Et tout au bout de la rue, après ces maisons d’époque Napoléon III. Au 22, une de ces maisons a été abusivement détruite. Entre la maison détruite et l’immeuble au nº 4 : toutes ces maisons d’époque !
Je file sur Internet et cherche le nom de R. Federman. Je trouve, en particulier, un article [1] publié par Montbouge, en 2005, signé Étienne Lang … Photo de Steve Murez, qui habite au 20, juste à côté de la maison détruite. R. Federman était revenu dans la rue de son enfance si brutalement interrompue. Dans cet article, Étienne Lang signale qu’il n’y a aucun livre de Raymond Federman à la bibliothèque.
Depuis, j’apprends que l’immeuble où vivait la famille Federman a été acheté par la mairie. Il y a plus de cinq ans. Personne ne semble l’habiter. D’un côté, cette maison détruite, de l’autre cet immeuble vide ! Je n’ose imaginer qu’un jour, il y aurait là de beaux immeubles de rapport bien identiques et tout confort – chers au m² ! Non, impossible. Qui penserait pareille chose ? Nous respectons tous ce patrimoine et ces maisons dont les glycines, nées avec les maisons, embaument toute la rue chaque printemps.
Je suis allée à la Médiathèque il y a peu et ai trouvé 4 titres différents (je viens d’emprunter Chut) mais pas La voix dans le débarras, qui est disponible chez l’éditeur et que je viens de demander à la Médiathèque de se procurer. Impatiente de lire ce texte. Depuis je suis passée plus d’une fois devant l’immeuble du nº 4, juste situé un peu en retrait. À gauche de cet immeuble, il y a encore LEON TAILLEUR sur la façade. Léon était l’oncle de Raymond, parti avec sa famille avant la rafle.
Au 3e étage, où vivait la famille Federman, les fenêtres étaient ouvertes ; un rideau flottait au vent ; quel air d’abandon ! Je ne passe plus jamais sans regarder ces fenêtres, m’arrête parfois un instant en souvenir de cette famille. Que deviendra cet immeuble ? À présent les fenêtres ont été fermées.
La rue Louis Rolland ! Dans Chut, il en est souvent question, et de la Zone qu’il fallait traverser de Montrouge à Paris …
Je viens de lire Chut. Raymond y raconte des souvenirs d’enfance. Des bribes qui reviennent, des petites histoires, des choses fortes. Il raconte comment était la rue Louis Rolland, la Zone. Un autre Montrouge et pourtant le nôtre… Les souvenirs d’un enfant qui a dû survivre puis vivre plus fort que son histoire et avec elle.
Mi-juillet, festival de poésie contemporaine à Massiac. Rencontres à la librairie Au chat qui pelote, organisatrice du festival. Libraire de livres d’occasion, estaminet et lieu d’expositions, de rencontres. Jacques Roman, venu lire certains de ces textes, parle avec des autres lecteurs de ce livre de Raymond Federman qui le touche si fort. Machinalement ses yeux parcourent les rayons de livres… La voix dans le débarras est là ! Bien sûr, le lecteur en fait l’achat. Le chemin buissonnier des livres est un bonheur !
Je rentre à Montrouge. Lettre de la médiathèque : le livre, encore disponible, a été acquis. Texte fort et bouleversant ; impossible à oublier.
[1] L’article en question, La rafle de 1942 à Montrouge. Une lettre de Raymond Federman.
Pour info, c’est moi qui avait demandé « la fourrure de tante Rachel » à la médiathèque :-)